Les bars, comme les cafés et restaurants, semblent destinés à rester fermés pour une durée encore indéterminée.
Mais que va-t-il arriver au contenu de leurs caves ?
Des millions de litres de bière perdus
Cinquante millions de pintes ! C’est la quantité de bière qui devrait rester inutilisée dans les fûts si les pubs de Grande-Bretagne restent fermés pendant l’été à cause du coronavirus. Actuellement, les collectivités publiques ne peuvent pas vendre leurs lagers, bières et cidres, sauf pour les plats à emporter et les livraisons à domicile.
« C’est un triste gaspillage de tout le travail et du talent qui sont nécessaires à la production d’une bonne bière« , déclare Tom Stainer, directeur général de la Campaign for Real Ale (Camra). « Les gens ne pourront pas la boire et toutes ces ressources ont été utilisées pour rien ».
M. Stainer estime que les 39 000 pubs du Royaume-Uni ont, en moyenne, 15 fûts de bière dans leur cave à tout moment. La plupart sont des fûts contenant 40 à 50 litres (88 pintes) chacun. Les dates de péremption de la bière pasteurisée – sont généralement de trois à quatre mois après la livraison. Celles des vraies ales et des autres bières non pasteurisées sont généralement fixées de six à neuf semaines.
De la bière transformée en gel hydro-alcoolique
Ensuite, se pose la question de savoir comment se débarrasser de dizaines de millions de pintes. Peut-on s’attendre à des scènes comme celles qui ont suivi l’introduction de la Prohibition aux États-Unis il y a un siècle, où des bouteilles et des barils ont été brisés, leur contenu déversé ?
Probablement pas. Aux États-Unis, les propriétaires de bars se sont fait dire de ne pas jeter de bière périmée dans les égouts pluviaux, car c’est illégal et nuisible à l’environnement. Au Royaume-Uni, cependant, certains responsables publics ont déjà eu recours à cette pratique.
Le gouvernement a temporairement autorisé les brasseurs à nommer des agents publics pour superviser le déversement de la bière. Mais ils doivent en garder une trace, en filmant peut-être une vidéo pour prouver qu’elle a été détruite, plutôt que de la mettre de côté à des fins lucratives.
Une option que les agents publics et les brasseurs qui se sont adressés à la BBC aimeraient essayer est de transformer la bière périmée en gel hydro-alcoolique, en en extrayant l’alcool.
Le brasseur indépendant Brewdog fabrique déjà du gel hydro-alcoolique les mains dans ses locaux de l’Aberdeenshire, tandis que le gouvernement donne aux fabricants qui le souhaitent un accès « prioritaire » aux alcools méthylés – ou « alcool dénaturé » – dont ils ont besoin.La production de bière menacée par le coronavirus
Avec la fermeture des bars et les annulations de festivals et événements sportifs, les brasseurs en Europe craignent pour leur activité, en plein boom ces dernières années. L’Oktoberfest 2020 est même déjà menacée.
C’est également le cas en France.
« La fermeture le 15 mars à minuit de ce qu’on appelle le hors domicile (cafés, hôtels, restaurants), plus l’annulation de tous les événements rassemblant plus de 100 personnes, donc les festivals, les fêtes locales, les salons, ça fait disparaître mathématiquement 35 % des volumes de ventes », déclare à l’Agence France-Presse Maxime Costilhes, délégué général de Brasseurs de France.Contrairement à l’achat en masse de rouleaux de papier toilette au début de la pandémie en France, la bière n’a pas bénéficié de cet effet de « stockage ».
« La bière ne fait pas partie des catégories qui ont bénéficié de cet effet de stockage que les Français ont adopté lors des premières semaines », estime Jacques Lebel, directeur général pour la France d’AB InBev, premier brasseur mondial, lors d’un entretien à l’Agence France-Presse.Cependant, comme le démontre une étude réalisée par le cabinet Nielsen, les ventes de bières ont tout de même progressé de près de 7 % depuis le début du confinement par rapport à la même période en 2019.
Le timing n’est pas le meilleur non plus. En effet, selon Maxime Costilhes, délégué général de Brasseurs de France, cela arrive au « pire moment de l’année, la période où on est au plus bas en trésorerie, le mois de mars ». « Les brasseurs passent tout l’hiver à produire pour l’été. La bière est censée être vendue quand il fait beau et donc on fait les stocks, on achète des matières premières, et on produit ».
La situation en Allemagne n’est guère plus rose. « La crise du coronavirus aura un impact significatif sur l’emploi dans le secteur », selon la fédération allemande des brasseries, qui a publié le 1er avril un sondage parmi ses membres. 18 % s’attendent à des licenciements, 87 % à du chômage partiel.
Pour le numéro deux mondial de la bière, Heineken, la pandémie de coronavirus représenterait un « développement macroéconomique négatif majeur ».
« Cela a un impact significatif sur les marchés et les affaires de Heineken en 2020 », a-t-il ajouté.
L’entreprise néerlandaise, qui possède 165 brasseries dans plus de 70 pays, prévoit une baisse du volume de sa production de bières de 2 % pour le premier quart de l’année 2020, avant une « aggravation » les mois suivants.À lire aussi :
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