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Bretagne est frappée depuis des années par une prolifération massive des algues vertes, dont la toxicité est avérée.
Le phénomène des « algues vertes »
Le phénomène des « algues vertes » (prolifération des algues) est le résultat d’un processus biologique appelé eutrophisation (du grec eutrophos signifiant « bien nourri »).
Un apport excessif de nutriments (azote, phosphore) provoque, dans certaines configurations environnementales, une augmentation de la production végétale qui réduit progressivement la pénétration de la lumière dans l’eau.
La décomposition des algues échouées lors d’une marée verte est à l’origine de la formation de sulfure d’hydrogène, un gaz à l’odeur nauséabonde d’œuf pourri.
C’est la première raison qui a poussé les pouvoirs publics à intervenir (forte gêne des riverains et impact sur le tourisme).Le sulfure d’hydrogène se forme en réalité en profondeur (dans un milieu dépourvu d’oxygène) alors qu’en surface, les couches d’algues s’assèchent, formant une croûte emprisonnant le gaz qui peut être libéré sous les pas d’un marcheur ou par le passage d’un animal.
Après la guerre, l’utilisation généralisée d’engrais de synthèse par l’agriculture va contribuer à l’augmentation des concentrations en nutriments dans l’environnement et, par conséquent, dans les milieux aquatiques.
Les premiers afflux massifs d’algues vertes sur les côtes bretonnes ont été constatés au début des années 1970.
Les nitrates et phosphates présents dans les déjections animales et les engrais ruissellent dans les cours d’eau, avant de terminer leur course dans la mer, où ils stimulent la croissance des algues vertes.Une enquête de la journaliste Inès Léraud sous forme de bande dessinée, publiée en juin 2019, « Algues vertes, l’histoire interdite », retrace les années de lutte nécessaires pour que la toxicité des algues vertes soit enfin reconnue.
Le fléau des algues vertes en Bretagne
Les algues vertes continuent de frapper la Bretagne chaque année. Un coup dur pour la région qui pensait avoir la situation sous contrôle. Des relents d’œuf pourri trahissent la présence des algues vertes en putréfaction sur la plage.
En Bretagne, les marées vertes, nourries par des pratiques agricoles intensives, seraient responsables de plusieurs décès. La prise de conscience de la dangerosité de ce contexte n’est intervenue que tardivement, après la mort de deux chiens sur la plage d’Hillion en 2008 et celle d’un cheval en 2009 sur la plage de Saint-Michel-en-Grève.
Le week-end dernier, un plaisancier qui tentait vainement de ramener son annexe à la rive est tombé dans une mer d’algues vertes. Les sauveteurs aquatiques ploemeurois sont venus à son secours. Le trentenaire a été transporté à l’hôpital de Lorient. L’homme venait de passer 45 minutes immergé et était en état d’hypothermie.
«Quand j’ai vu les images, j’ai eu peur que l’homme décède. J’en étais malade», a déclaré Thierry Burlot, vice-président de la région chargé du dossier. « Il a eu de la chance que les algues ne dégageaient pas d’hydrogène sulfuré. Sinon, il ne serait sans doute plus là », a déclaré Jean-Yves Piriou, le Vice-président de l’association Eau et rivières de Bretagne.
Depuis une dizaine d’années, deux plans de lutte ont pourtant été signés par l’État et les collectivités locales pour endiguer le fléau. « Le problème de ce plan, c’est qu’il ne concerne que huit baies. C’est largement insuffisant. C’est toute la Bretagne qu’il faut traiter », assure Jean-Yves Piriou.
La prolifération des algues vertes est liée à l’agriculture
Le lien entre le développement de l’agriculture industrielle et les algues vertes n’est plus à démontrer.
Dans les années 1960, le taux moyen de nitrate dans les eaux bretonnes ne dépassait pas les 5 mg/litre.Aujourd’hui, il est estimé à environ 33 mg/litre.
Ce taux a culminé dans les années 2000 autour de 50 mg/litre avant de baisser progressivement. Il stagne désormais depuis plus de trois ans.Ces nitrates proviennent à 94 % de l’agriculture.
Ils sont présents dans les engrais utilisés pour fertiliser les cultures et dans les déjections animales issues de l’élevage.Bretagne, l’élevage est extrêmement intensif.
EnLa région ne couvre que 7 % de la surface agricole française, mais concentre 50 % des élevages de porcs français, 50 % des élevages de volailles et 30 % des bovins.
« La quantité de lisier, de fientes et de fumier produite chaque année dans les quatre départements bretons équivaut aux déjections émises par 50 millions d’habitants ! », évalue l’association Eaux et rivières de Bretagne.Thierry Burlot tient à rappeler les efforts fournis : « Dans la baie de Saint-Brieuc ou à Saint-Michel-en-Grève, on était à plus 40 mg de nitrates par litre. On est en dessous de 20 aujourd’hui mais les derniers ne sont pas les plus simples à aller chercher ». Cependant, pour Greenpeace, « si l’on veut arrêter les marées vertes, il faut diviser par trois le taux de nitrate dans l’eau pour le ramener à 10 mg/ litre ».
Des solutions naturelles pour endiguer le problème des algues vertes
Pour remédier au fléau des algues vertes, un plan gouvernemental appelé « Plav2 » ou plan de lutte contre les algues vertes numéro 2 avait été signé en 2017 et devait arriver à son terme en 2021. Dans un courrier, la préfète de région a annoncé le plan serait prolongé de « deux à trois ans ».
L’association Eau et rivières de Bretagne dont Jean-Yves Piriou est le Vice-président, propose des solutions naturelles et écologiques face au phénomène des algues vertes. L’association recommande « de nouvelles pratiques agricoles et d’élevage » plus orientée vers l’agroécologie et l’agriculture biologique tout en limitant les épandages et l’usage de produits phytosanitaires.
Avec des solutions naturelles, les taux de nitrates dans l’eau pourraient être fortement réduits. « Nous ne voulons pas d’un plan numéro 3. Si en 2024, le problème n’est pas résolu, il faudra passer à un système réglementaire comme pour le captage d’eau. Ça ne plaît pas à la profession agricole, mais ça fonctionne », estime Jean-Yves Piriou.