Le César de la meilleure réalisation attribué à Roman Polanski a suscité la colère de bon nombre d’artistes, dont l’actrice Adèle Haenel qui a quitté la cérémonie déjà sous haute tension.
La cérémonie était sous haute tension
Roman Polanski et l’équipe de son film « J’accuse », qui porte sur l’affaire Dreyfus, avaient décidé de ne pas assister à la cérémonie des César qui promettait déjà d’être sous haute tension, dénonçant un « tribunal d’opinion » contre le réalisateur visé par des accusations de viol.
Le film a obtenu 3 prix sur 12 nominations, soit ceux de la meilleure réalisation, de la meilleure adaptation et des meilleurs costumes.
Avant le début de la soirée, des militantes féministes avaient manifesté bruyamment près de la salle Pleyel, en criant Enfermez Polanski!
Dès le début de la cérémonie, Florence Foresti avait pris les devants pour diffuser la tension.
Florence Foresti : « Il y a 12 moments où on va avoir un souci ce soir »
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« Il va falloir régler un dossier.
Il y a douze moments dans cette soirée où on va être mal », avait-elle prévenu tout en déclarant qu’elle « ne laisserait pas Atchoum (un surnom donné à Polanski dont elle n’a jamais prononcé le nom) pourrir le reste de la sélection ».En coulisses, après l’annonce du prix du meilleur réalisateur décerné à Polanski, elle a publié sur sa page Instagram écœurée au point de ne pouvoir revenir sur scène pour donner un discours par la suite.
À l’annonce de la récompense décernée au réalisateur de « J’accuse », l’actrice Adèle Haenel s’est levée et a quitté la salle suivie de la cinéaste Céline Sciamma et de quelques autres personnes.
Adèle #Haenel quitte la cérémonie à l’annonce du césar de la meilleure réalisation, décerné à #Polanski.#cesars2020 pic.twitter.com/nEBzDK0e5P
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« La honte », a lancé la comédienne qui depuis ses confidences à Mediapart sur les attouchements dont elle a été victime, adolescente, de la part du réalisateur Christophe Ruggia est devenue un des symboles du mouvement #MeToo en France.
« Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes », avait-elle d’ailleurs déclaré en début de semaine dans un entretien au New York Times.
Après la cérémonie, Adèle Haenel a déclaré : « Ils voulaient séparer l’homme de l’artiste, ils séparent aujourd’hui les artistes du monde ».Une cérémonie des César critiquée par beaucoup
Le ministre de la Culture Franck Riester avait lui-même déclaré qu’un César de meilleur réalisateur pour Polanski serait « un symbole mauvais par rapport à la nécessaire prise de conscience que nous devons tous avoir dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ».
Il a admis qu’il « pouvait comprendre » la réaction « de colère » d’Adèle Haenel.
« La difficulté avec cette remise de César (…) à Roman Polanski, c’est qu’on ne célèbre pas simplement l’oeuvre, on célèbre aussi l’homme.Je pense que l’Académie des César doit se transformer, ne doit pas oublier qu’à chaque fois qu’un César est remis, il y a certes la reconnaissance artistique mais il y a un message aussi qui est envoyé à la société », a-t-il commenté.
Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes, a déclaré déplorer l’injonction « ne pas gâcher la fête ».
« Nombreux sont ceux qui, passionnés de cinéma, ont prononcé ou pensé cette phrase hier soir.Vous ne voulez plus de cris, de manifestations, de scandales, de départs de la salle ? Soutenez les femmes, cessez de les empêcher de facto de créer et de prendre pleinement part à cette fête, à cette industrie.
Ne couvrez pas ceux qui sont accusés de viols.Pensez aux victimes.
Passées et actuelles. Croyez-les. Soutenez-les ».L’écrivain Virginie Despente a critiqué les César en publiant une tribune dans la Libération :
« Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des César élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020.
C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant.
Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. […] On se casse. Faites vos conneries entre vous.Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main.
On se lève et on se casse […]. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde ».Le collectif #NousToutes considère que récompenser Roman Polanski lors des César revenait « a littéralement craché aux visages des victimes de violences pédocriminelles, au visage des victimes de violences sexuelles et, plus largement, au visage de millions de femmes de ce pays ».
L’organisation féministe a déclaré dans un communiqué : « Nous serons dans la rue dimanche 8 mars (journée internationale des droits des femmes) pour dire à nouveau que nous voulons en finir avec toutes les violences sexistes et sexuelles. Et que ni l’Académie des César ni ceux qui les soutiennent ne nous arrêteront ».
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